Petit mode d'emploi de la saisie-conservatoire
Actu publiée le 29/04 2014
Un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation le 4 mars 2014 est pour nous l'occasion de rappeler ici brièvement les conditions pour pratiquer une saisie conservatoire.
Les faits ayant donné lieu à cet arrêt sont les suivants : un établissement public émet des titres de perception exécutoires contre une société qui est propriétaire de deux navires, pour avoir paiement de cotisations de "Sécurité Sociale".
Ces titres doivent être notifiés et le débiteur dispose d'un délai de deux mois pour les contester devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale. Craignant certainement de ne pas être payé assez vite et que les bateaux ne soient vendus, l'établissement public en question a obtenu du Président d'un Tribunal de Commerce une ordonnance permettant de saisir conservatoirement les navires.
L'armateur a contesté les saisies en faisant valoir que les titres exécutoires ne lui avaient pas été notifiés préalablement à la saisie pratiquée.
La Cour de Cassation rejette l'ultime recours qui lui était présenté par l'armateur avec cet attendu imparable : "la notification préalable du titre exécutoire n'est exigée que pour la saisie exécution, non pour la saisie conservatoire, laquelle n'est pas une mesure d'exécution forcée."
Avant de donner ci-après une petite méthodologie de la saisie conservatoire, on formera une observation sur cette notion de notification de titre exécutoire.
La règle est valable pour tous les titres exécutoires permettant entre autre le recouvrement d'une créance : pour que ce titre puisse être exécuté contre le débiteur, par la saisie de ses biens, par la saisie de ses comptes, ou par une saisie immobilière, il faut que ce titre soit préalablement notifié.
Ceci est valable pour les jugements, ordonnances, mais aussi et c'est important pour les titres exécutoires établis au nom de l'Etat ou des Comptable public ou des Etablissements publics : impôts, taxes, cotisations diverses, etc…
Qu'est-ce qu'une saisie conservatoire?
C'est une mesure de précaution que la Loi permet aux créanciers d'utiliser pour garantir une créance avant par exemple d'engager un procès.
On pourra ainsi pratiquer une saisie sur des meubles, sur un compte en banque, sur des valeurs mobilières, sur une créance détenue par un tiers, ou comme dans l'espèce visé ci-dessus sur un navire, mais se pourrait être aussi un véhicule automobile, etc…
Grâce à la saisie conservatoire, on bloque la somme, l'objet, le véhicule, le navire, etc… de sorte que l'on est à peu près sûr, si bien sûr par la suite on parvient à gagner son procès, de pouvoir recouvrer sa créance.
Quelles sont les conditions d'une saisie conservatoire?
Deux conditions sont posées par l'article L. 511 - 1 du code des procédures civiles d'exécution :
- il faut que la créance soit fondée en son principe,
- il faut qu'il existe des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.
Si le créancier ne dispose encore d'aucun titre, mais est seulement en possession de son contrat et de ses factures impayées par exemple, il peut s'adresser au Juge (Juge de l'Exécution ou Président du Tribunal de Commerce) pour faire autoriser la mesure de saisie conservatoire.
Mais le créancier peut aussi, être déjà titulaire d'un titre :
- une lettre de change acceptée et impayée,
- un billet à ordre impayé,
- un chèque impayé,
- un loyer impayé (avec un bail écrit),
- une décision de justice non encore exécutoire (par exemple en cas d'appel),
- un titre exécutoire (par exemple un acte notarié),
- un titre de recettes pour les Etablissements publics et pour l'Etat (impôts, taxes, etc…).
Dans toutes ces hypothèses, l'autorisation du Juge n'est même pas nécessaire ! Il suffira que les lettres de change, billets à ordre, chèques ou loyers soient impayés, ou que l'on soit en possession du titre exécutoire non encore notifié et donc non encore exécutable et que la créance soit donc en péril.
Dans les hypothèses ci-dessus, on remet à l'Huissier de justice le titre, les effets de commerce, le chèque ou l'ordonnance du juge etc…, et l'Huissier de justice pratique la saisie conservatoire, avec un formalisme qui est prévu par le Code des Procédures Civiles d'Exécution.
Quels sont les avantages de la saisie conservatoire?
Que retenir de tout ce qui précède ? (il ne s'agit là bien entendu que d'indications d'ordre très général, la présente note n'étant pas un exposé exhaustif sur les mesures conservatoires) : c'est que la mesure conservatoire est un instrument extrêmement facile à utiliser et d'une redoutable efficacité.
On ajoutera que le débiteur n'est informé de la mesure que juste après qu'elle ait été pratiquée !
L'effet de surprise est donc total et bien souvent la seule mesure conservatoire suffira à convaincre le débiteur de l'opportunité pour lui de payer ce qu'il doit, car dans le cas contraire de toute façon, les sommes d'argent, ou les biens qui ont été immobilisés, le demeureront jusqu'à la fin du procès.
On devrait penser à pratiquer les mesures conservatoires, dès que le débiteur montre des signes inquiétants laissant penser qu'il va ou qu'il peut organiser son insolvabilité. (On déplorera toutefois que lorsque le débiteur est ultérieurement placé en redressement ou en liquidation judiciaire, la mesure conservatoire perd son efficacité).
Bien que l'arrêt de la Cour de Cassation qui sert de prétexte à ce petit article, ne donne pas tous les détails, on ne manquera pas d'être frappé par le fait que le créancier, qui était titulaire d'un titre de créance ait cru nécessaire d'aller en plus chercher l'autorisation du juge.
D'une manière générale, le créancier qui dispose déjà d'un titre mais qui ne peut pas exécuter directement avec ce titre (non notifié, non définitif, susceptible de recours, etc…) peut faire pratiquer la mesure conservatoire au seul vu de ce titre.
La Cour de Cassation "enfonce le clou" en rappelant que la mesure conservatoire n'est pas une mesure d'exécution, et que la signification du titre n'était été exigée que pour une saisie exécution.
Cela nous encourage à soutenir la simplicité, la rapidité et l'efficacité des mesures conservatoires.